Les programmes de suivi des traitements oraux en cancérologie sécurisent la prise en charge
“Les programmes de suivi des traitements oraux en cancérologie sécurisent la prise en charge”
Le programme ONCORAL de suivi des patients sous anticancéreux oraux, lancé en 2014 aux Hospices civils de Lyon (HCL), concerne aujourd’hui 250 nouveaux patients par an au Groupement hospitalier Sud. Avec un impact positif sur l’observance et les effets indésirables graves et sévères, explique Catherine Rioufol, pharmacienne-chef de service Pharmacie du Groupement hospitalier Sud des HCL, responsable du dispositif ONCORAL et présidente de la Société française de pharmacie oncologique (SFPO).
Quelles sont les modalités du programme ONCORAL ?
Il s’agit d’un suivi pluridisciplinaire de tous les patients sous anticancéreux oraux, tous cancers et tous traitements confondus, dans le périmètre du Groupement hospitalier Sud. Mais nous avons pour objectif de le déployer sur tous les HCL et même à l’échelle régionale dans le cadre d’une expérimentation “article 51”. Une grande partie du suivi se déroule dans un premier temps en présentiel avec un pharmacien hospitalier et une infirmière, juste après la consultation du patient avec son cancérologue. Le suivi se poursuit à distance. ONCORAL est labellisé par l’ARS comme programme d’éducation thérapeutique, avec des mises en situation, des supports pédagogiques… Il s’avère d’autant plus nécessaire pour les patients les plus fragiles, les plus à risque d’interactions médicamenteuses ou ceux ayant des difficultés d’apprentissage… Tous les patients bénéficient d’un plan de prise, d’informations thérapeutiques et d’un suivi éducatif sur la gestion et la prévention des effets indésirables. Nous détectons et prévenons les interactions médicamenteuses, et les patients sont vus trois à quatre fois par an.
ONCORAL vous a-t-il permis de renforcer le lien ville-hôpital ?
Surtout de le créer ! Dès la primo-prescription, nous entrons en contact avec le pharmacien d’officine désigné par le patient. Le binôme pharmacien hospitalier-pharmacien d’officine permet une conciliation médicamenteuse et reste en lien durant tout le traitement. Par ailleurs, un courrier lui est envoyé, ainsi qu’au médecin traitant et à l’infirmière libérale avec copie de la prescription, et nous restons à leur disposition. Nous sommes régulièrement appelés par l’officinal sur de possibles effets indésirables et interactions, y compris avec les médicaments conseils, ce qui est très intéressant. L’infirmière ONCORAL est aussi couramment appelée par son homologue de ville, parfois avec envoi de photos, et nous faisons le lien avec le cancérologue.
Finalement, observance rime avec confiance…
Bien sûr. Être bien entouré, à titre personnel, mais aussi par des équipes hospitalières et de ville qui se coordonnent, est un gage de confiance, ce qui rassure. Le patient prend alors mieux ses médicaments, est plus observant et acquiert mieux et plus vite une capacité d’autogestion de ses effets indésirables. Au final, le traitement est plus sécurisé.
Détectez-vous plus facilement les interactions avec les “produits naturels” ?
Oui, les “thérapeutiques alternatives complémentaires” sont fréquentes, avec souvent comme motif avancé par le patient de diminuer les effets indésirables de la chimio et/ou de “booster son immunité” ou encore de gérer son stress/son anxiété. Avoir cette information sur le recours à la phytothérapie, par exemple, est clé pour nous, car les anticancéreux oraux sont métabolisés par le foie, avec potentiellement un risque, soit de toxicité accrue, soit d’efficacité réduite. Des bases de données existent pour vérifier ces interactions, mais on manque encore d’informations. Mettre le patient en confiance est d‘autant plus primordial pour régler ce problème.
Avez-vous pu mesurer les bénéfices d’un tel suivi ?
Oui, le problème étant que les échelles de mesure de l’observance validées dans la littérature restent très subjectives. Mais nous regardons de près les effets indésirables : des effets de grades 3-4 moins nombreux ; davantage d’effets de grades 1-2, car ils deviennent plus facilement et précocement détectés. Par ailleurs, ONCORAL participe à des essais cliniques multicentriques randomisés versus un suivi habituel, portant chacun sur 250 patients : un programme de recherche sur la performance du système de soins (PREPS), intitulé PRISM, dans le cancer du rein métastatique (dont les résultats sont attendus dans environ un an) et un autre essai tous cancers confondus intitulé DROP (deux ans avant les résultats) et porté par la SFPO. Nous menons parallèlement un programme de recherche médico-économique (PRME), avec ici une évaluation en vie réelle du coût de la prise en charge par rapport aux bénéfices apportés, pour des résultats d’ici trois à quatre ans.
La crise sanitaire a-t-elle permis de surmonter la résistance au changement en matière de suivi à distance ?
La crise a en effet apporté un éclairage nouveau sur les téléconsultations et nous a fait gagner beaucoup de temps. Du coup, nous allons pouvoir pérenniser ce lien à distance avec certains patients (impossibilité de se déplacer, manque de temps…). Cela nous amène aussi à réfléchir à la mise en place d’une télé-expertise auprès des officinaux.
Quel est l’impact d’ONCORAL côté pratiques professionnelles ?
ONCORAL a renforcé le travail des pharmaciens en lien avec les cancérologues. L’autre enrichissement a été de travailler avec une infirmière. Les suivis proposés en même temps avec pharmacien et infirmière sont rares en établissements de santé. Or, cela s’avère naturel à l’usage et c’est d’ailleurs la formule retenue dans le cadre de l’expérimentation “article 51” (Ndlr, voir notre prochaine interview).
Propos recueillis par François Silvan