Où en sont les chantiers de Ma Santé 2022 ?
Présenté le 18 septembre 2018 par le Président de la République, le plan Ma Santé 2022 devait donner les impulsions nécessaires pour “réinventer” notre système de santé. Quatre ans après, où en sont les mesures phares ? Tour d’horizon des jalons posés et des chantiers en cours.
La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et la transformation du système de santé (dite “loi Ma Santé 2022”) et le Ségur de la santé de juin-juillet 2020 auront posé les fondements de la révolution en cours. Mais en ce début 2022, l’une des concrétisations les plus spectaculaires de ce plan est l’impulsion donnée au digital, avec notamment le déploiement en février du nouvel Espace numérique de santé (ENS) du patient, rebaptisé “Mon espace santé” (MES), dans la foulée du programme SUN-ES (“Ségur Usage Numérique en Établissements de Santé”).
Révolution numérique
L’interprofessionnalité étant le fil rouge de Ma Santé 2022, le plan s’accompagnait d’une “feuille de route du numérique en santé”. En 2020-2021, l’Agence du numérique en santé a posé les bases des référentiels socles nécessaires (e-CPS, identifiant national de santé, cadre d’interopérabilité…), des services socles (e-prescription, DMP, MSSanté…) et de trois plateformes : la première pour le développement de services et outils digitaux pour les professionnels de santé, la deuxième pour ceux destinés aux patients et la troisième pour la valorisation des données cliniques des Français (Health Data Hub). La publication en janvier 2021 de la doctrine du numérique en santé indispensable aux DSI, éditeurs de logiciels et autres start-ups a aussi constitué un jalon important. Rappelons que les fonds débloqués pour le numérique, notamment à l’occasion du Ségur de la santé (2 milliards d’euros), sont conditionnés à l’interopérabilité des solutions développées. Par ailleurs, SUN-ES est doté d’une enveloppe dédiée aux établissements visant, d’une part, la production et la transmission de documents de santé (tels que les documents de sortie d’hospitalisation, les comptes-rendus de biologie ou d‘imagerie…) dans le but d’enrichir MES via le DMP, d’autre part, la promotion de l’usage des messageries sécurisées de santé.
Des évolutions réglementaires et législatives
Cette dimension interprofessionnelle fait échos au développement du lien ville-hôpital et de la pharmacie clinique, officialisée via le “décret PUI” du 21 mai 2019. Rappelons aussi l’entrée de la téléconsultation dans le droit commun fin 2018 et l’officialisation des télésoins par arrêté et décret du 3 juin 2021 en application de la loi du 24 juillet 2019. Les 81 articles de cette loi ont gravé dans le marbre nombre d’évolutions voulues dans le plan Ma Santé 2022. Il s’agit entre autres du décloisonnement des parcours de formation et des carrières des professionnels de santé, de la création d’un collectif de soins et d’une meilleure structuration territoriale de l’offre de soins, sans oublier une fluidité des carrières entre la ville et l’hôpital. L’article 28 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 avait instauré une dérogation à la tarification à l’activité à l’hôpital, avec un forfait de prise en charge des prestations pour les pathologies chroniques dans le cadre d’un parcours de soins, en commençant par le diabète et l’insuffisance rénale chronique.
Hôpitaux de proximité et CPTS
Le plan prévoyait une réorganisation hospitalière en soins de proximité, soins spécialisés et soins ultraspécialisés, avec une gradation s’appuyant sur des seuils d’activité. La labellisation des hôpitaux de proximité par les ARS a démarré dans la foulée des décret n°2021-586 et ordonnance n°2021-582 du 12 mai 2021. Sept ARS avaient communiqué mi-février 2022 sur la labellisation de 161 hôpitaux de proximité suite aux appels d’offres de 2021 (l’objectif national initial était de de 500 à 600 structures en 2022). Les activités y sont réorganisées pour répondre aux besoins en médecine polyvalente, gériatrie, rééducation, imagerie et biologie, excluant la chirurgie et la maternité, mais comprenant impérativement des équipes mobiles et un équipement en télémédecine.
Côté ville, le plan prévoyait la création à 2022 de quelque 1.000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). A mi-février, la Fédération des CPTS en recensait 712, dont 252 sont en phase de préprojet. Un accord conventionnel interprofessionnel du 20 juin 2019 a acté un financement conventionnel pérenne pour faire décoller les CPTS qui s’engagent dans des missions de régulation et de coordination de soins non programmés afin de désengorger les urgences.
Numerus clausus, statuts et commission médicale de GHT
Prévue par la loi de juillet 2019, la suppression du numerus clausus est entrée en application à la rentrée 2021. En parallèle de la réforme des études, 4 décrets et 14 arrêtés publiés au Journal officiel du 6 février 2022 ont créé un statut unique de praticien hospitalier, un statut unique de praticien contractuel et assoupli les conditions d’exercice d’une activité libérale au sein des établissements de santé.
Un décret du 27 mai 2021 a par ailleurs créé les commissions médicales de groupements hospitaliers de territoires (CMG), composées de représentants des personnels médicaux, pharmaceutiques, odontologiques et maïeutiques. Objectif : élaborer le projet médical partagé du GHT, contribuer à la politique d’amélioration de la qualité, de la sécurité et de la pertinence des soins… Le directeur du GHT peut même solliciter auprès de l’ARS l’autorisation d’instituer une commission médicale unifiée de groupement, qui remplace alors la CMG et les CME. Ce décret donne aussi la possibilité de créer une commission commune médico-soignante, composée à parité de membres de la CMG et de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques de GHT, avec pour objet de “faire des propositions de structuration des filières de soins au sein du projet médical partagé”.
A noter, enfin, que l’Etat s’est engagé dans le cadre de Ma santé 2022 et du Ségur à reprendre à son compte une partie de la dette hospitalière. Chose faite dans la LFSS 2021 à hauteur de 13 milliards correspondant à un tiers des encours de la dette hospitalière (capital + frais financiers).
François Silvan