La recherche du statut dMMR/MSI à l’ère de l’immunothérapie
Les tumeurs dMMR (deficient MisMatch Repair) et/ou MSI (MicroSatellite Instability) sont liées à des anomalies du système de réparation MMR de l’ADN pouvant résulter elles-mêmes de mutations constitutionnelles (syndrome de Lynch) ou somatiques de quatre gènes : MLH1, MSH2, MSH6 et/ou PMS2 1,2. Les tumeurs dMMR/MSI produisent de nombreux néoantigènes (10 à 50 fois plus qu’une tumeur pMMR/MSS) et sont souvent richement infiltrées en lymphocytes T cytotoxiques 3. Des études récentes, menées sur des cancers colorectaux de phénotype MSI, ont montré que cet infiltrat lymphocytaire T cytotoxique est associé à l’expression de protéines impliquées dans le contrôle de l’immunité antitumorale parmi lesquelles PD-1, PD-L1, TIM3, LAG3 3.
Sommaire
Un facteur prédictif de réponse à l’immunothérapie validé
Dans les cancers colorectaux avancés, plusieurs études ont démontré l’intérêt des traitements d’immunothérapie chez des patients présentant une tumeur avec une déficience du système MMR (IHC dMMR et/ou phénotype MSI). Au stade métastatique (mCRC), le statut dMMR/MSI est notamment devenu un biomarqueur prédictif et validé de réponse aux inhibiteurs de checkpoints immunitaires 4. Des données prometteuses ont été présentées à des stades plus précoces de la maladie, en situation néoadjuvante par exemple 5.
Outre le cancer colorectal, le statut dMMR/MSI est retrouvé avec une incidence variable dans d’autres indications comme les cancers de l’endomètre, les cancers gastriques, les cancers de l’intestin grêle, les cancers urothéliaux, les tumeurs cérébrales et certains cancers cutanés 1.
Les données obtenues à plus large échelle dans des essais cliniques, avec traitements par immunothérapie seule de patients présentant différents types de cancers dMMR et/ou MSI, ont démontré l’efficacité de cette approche, avec des bénéfices en survie globale (SG) ayant ainsi conduit la FDA à délivrer une autorisation de mise sur le marché agnostique, basée sur l’existence d’une déficience du système MMR, et ce, quel que soit le site primitif de la tumeur 1,6,7.
Les nouvelles recommandations de l’INCa
Les nouvelles recommandations de l’Institut National du Cancer (INCa), mises à jour en 2021, préconisent la recherche du statut dMMR/MSI chez tous les patients atteints d’un cancer colorectal, dès le diagnostic, quels que soient le stade de la maladie, l’âge et le contexte personnel et familial du patient, pour plusieurs raisons 8 :
- A visée oncogénétique, compte tenu de son intérêt dans l’identification des patients potentiellement atteints d’un syndrome de Lynch ;
- A visée pronostique car la chimiothérapie à base de 5-fluorouracile (5-FU) n’est pas efficace, voire de mauvais pronostic, dans le traitement des cancers colorectaux dMMR/MSI de stade II ;
- Et à visée thérapeutique, au stade métastatique, puisqu’une instabilité microsatellitaire est un très bon marqueur prédictif de réponse à l’immunothérapie.
Cette recherche systématique du statut dMMR/MSI est également recommandée dans de nombreuses autres indications : adénocarcinomes oeso-gastriques, adénocarcinomes de l’intestin grêle, cancers de l’endomètre, cancers endométrioïdes ou à cellules claires de l’ovaire, tumeurs sébacées, tumeurs de la voie excrétrice supérieure.
Les techniques
Deux méthodes de référence sont actuellement recommandées pour la détection du statut dMMR/MSI :
- L’immunohistochimie avec 4 anticorps spécifiques des protéines du système MMR (MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2) à la recherche d’une perte d’expression d’une ou plusieurs de ces protéines. lI s’agit d’une technique simple, rapide, peu coûteuse, extrêmement sensible et utilisable même sur des prélèvements de petite taille 1. Cette technique ne doit être réalisée que dans un cadre spécialisé, par des pathologistes expérimentés, et les résultats du marquage doivent être évalués et interprétés en tenant compte du contexte moléculaire de la tumeur.
- La biologie moléculaire à la recherche d’une instabilité microsatellitaire, avec une technique de PCR, Pentaplex principalement, qui évalue l’instabilité microsatellitaire à partir des ADN tumoraux, conséquence de la déficience du système MMR 1.
Une fixation de bonne qualité du tissu et un bon apprentissage de chaque technique et de la lecture de l’IHC sont des conditions importantes garantissant la qualité du testing. Globalement, les deux techniques sont assez équivalentes avec peu de résultats discordants, particulièrement dans les cancers colorectaux. Ainsi, dans cette indication, la recherche du statut dMMR/MSI peut débuter par l’une ou l’autre des deux techniques et la perte d’expression d’au moins une protéine MMR en immunohistochimie ou la mise en évidence d’une instabilité microsatellitaire en biologie moléculaire sera confirmée par la technique complémentaire : biologie moléculaire si immunohistochimie dans un 1e temps ou immunohistochimie si biologie moléculaire. En revanche, dans les autres cancers, le testing débutera toujours par l’IHC MMR et le test MSI ne sera lancé que dans un 2ème temps, uniquement en cas de perte d’expression d’au moins une protéine MMR 8.
Avec son utilisation croissante pour identifier des altérations génétiques dans le cancer colorectal, le NGS pourrait à terme remplacer les techniques conventionnelles de PCR pour la détection des tumeurs MSI 1. Cependant, du fait de l’absence de données comparatives avec les résultats des deux méthodes de référence, l’immunohistochimie et la PCR, le NGS n’est pour le moment pas recommandé pour l’évaluation du phénotype MSI ou MSS et des études supplémentaires sont nécessaires.
Quelques aspects pratiques
- Quel type de prélèvements privilégier ?
- Immunohistochimie ou biologie moléculaire ?
- Tumeurs primitives ou métastases ?
Quel type de prélèvements privilégier ?
- L’immunohistochimie peut être réalisée sur des prélèvements fixés et inclus en paraffine, qu’il s’agisse de biopsies (meilleure niveau de fixation, résultats connus dès la première RCP) ou de pièces opératoires (plus grand nombre de cellules tumorales). Les études ayant comparé les résultats obtenus en immunohistochimie et en biologie moléculaire, à partir de biopsies et de pièces opératoires, montrent une bonne concordance entre les deux types de prélèvements, sous réserve que les techniques soient bien réalisées 2,9.
- L’immunohistochimie est recommandée pour les prélèvements de petite taille, en particulier les biopsies, afin d’éviter le risque de faux négatifs parfois retrouvés avec la biologie moléculaire.
Immunohistochimie ou biologie moléculaire ?
- La concordance entre les deux techniques est très bonne voire excellente, avec l’existence possible, bien que rare, de résultats faux négatifs en cas d’échantillon tissulaire peu richement cellulaire (biopsies, cytoponctions).
- L’analyse des prélèvements les plus riches en cellules tumorales doit être privilégiée.
- En présence de résultats d’interprétation difficile avec une première technique, il est recommandé de renouveler la technique et/ou de réaliser une nouvelle recherche du statut dMMR/MSI avec l’autre technique complémentaire.
Tumeurs primitives ou métastases ?
- Il est préconisé de tester systématiquement toutes les tumeurs primitives et éventuellement les métastases en cas de tumeurs primitives multiples.
- Les traitements néoadjuvants (radiothérapie, chimiothérapie) pouvant modifier l’expression des protéines MMR et plus généralement impacter les tests MMR/MSI, il est recommandé de réaliser la recherche du statut dMMR/MSI sur le prélèvement réalisé au moment du diagnostic, avant le début de tout traitement.
Les résultats doivent être exprimés dans le compte-rendu de la façon la plus claire possible.
- En immunohistochimie, un résultat pMMR-IHC (proficient MMR) signifie l’absence de perte d’expression des protéines MLH1, MLH2, MSH6 et PMS2. Au contraire, la mention dMMR-IHC (deficient MMR) signifie qu’une perte d’expression d’au moins une protéine MMR a été identifiée.
- Les résultats de biologie moléculaire s’expriment sous la forme MSI (MicroSatellite Instability), microsatellite instable, ou MSS (MicroSatellite Stability), microsatellite stable. Les termes MSI-high ou MSI-low utilisés jusque-là sont maintenant abandonnés et les tumeurs MSI-low doivent être classées comme des tumeurs MSS 1,2.
- En dehors des cas discordants qui sont rares, le statut tumoral MMR retrouvé dans les comptes-rendus sera exprimé ainsi : statut dMMR-IHC/MSI ou statut pMMR-IHC/MSS.
Références
(1) Svrcek M et al. MSI/MMR-deficient tumor diagnosis: Which standard for screening and for diagnosis? Diagnostic modalities for the colon and other sites: Differences between tumors. https://hal.sorbonne-universite.fr/hal-02179325.
(2) Luchini C et al. ESMO recommendations on microsatellite instability testing for immunotherapy in cancer, and its relationship with PD-1/PD-L1 expression and tumour mutational burden: a systematic review-based Approach. Ann Oncol 2019 ;30 :1232-43
(3) Llosa NJ et al. The vigorous immune microenvironment of microsatellite instable colon cancer is balanced by multiple counter-inhibitory checkpoints. Cancer Discov 2015;5(1):43-51
(4) Le Dung T et al. PD-1 blockade in tumors with mismatch-repair deficiency. NEJM 2015;372:2509-2520
(5) Chalabi M et al. Neoadjuvant immunotherapy leads to pathological responses in MMR-proficient and MMR-deficient early-stage colon cancers. Nat Med 2020;26(4):566-576..
(6) Pietrantonio F et al. Predictive role of microsatellite instability for of PD-1 blockade in patients with advanced gastric cancer: a meta-analysis of randomized clinical trials. ESMO Open. 2021;6(1):100036
(7) Lemery S et al. First FDA Approval Agnostic of Cancer Site – When a Biomarker Defines biomarkers in breast cancer clinical trials and daily practice. J Pathol 2020;250(5):667-684
(9) Shia J et al. Immunohistochemical staining for DNA mismatch repair proteins in intestinal tract carcinoma: how reliable are biopsy samples? Am J Surg Pathol 2011;35(3):447-54