Comment l’intelligence artificielle peut-elle aider les professionnels de santé ?
L’intelligence artificielle n’appartient pas qu’au futur, elle imprègne déjà le monde de la santé. Sous différentes formes, allant du simple algorithme au robot chirurgical, l’IA peut aider au quotidien les professionnels de santé dans la prévention d’effets indésirables, l’accélération du diagnostic ou encore le perfectionnement d’une médecine de précision.
Alors qu’elle devient indispensable au secteur de la santé, l’intelligence artificielle reste encore un concept flou, pouvant susciter fantasmes et inquiétudes de la part des patients comme des professionnels de santé. Même si les premiers algorithmes existent depuis 1960, c’est seulement depuis quelques années que ses applications se multiplient dans tous les domaines des secteurs médicaux. Des maladies rares à l’ophtalmologie, en passant par la prévention des épidémies, l’intelligence artificielle a pour mission d’automatiser certaines tâches et de compiler puis analyser de grandes quantités d’informations. Accroître la vision humaine dans la détection d’une pathologie grâce à des téraoctets de données, ou encore assister les praticiens dans leurs actes opératoires complexes grâce à des robots médicaux : l’IA revêt bien des visages. Tour d’horizon de ses applications médicales possibles.
Accélérer le diagnostic des maladies rares
Grâce au machine learning ou au deep learning, l’intelligence artificielle peut accélérer et amplifier les connaissances des professionnels de santé sur de nombreuses maladies. Un outil technologique particulièrement utile pour détecter les maladies rares, qui, selon le gouvernement, touchent plus de 3 millions de personnes, soit 4,5% de la population française. Plus de 6 000 maladies rares sont recensées aujourd’hui et pour la plupart d’entre elles, plus le diagnostic est précoce, plus le traitement sera efficace. Il s’agit donc non seulement de lutter contre l’errance diagnostique des maladies rares en fournissant des bases de données intelligentes aux médecins, mais aussi d’accélérer leur prise en charge pour que les patients rentrent plus vite dans un parcours de soins adapté à leurs besoins.
Le troisième Plan National Maladies Rares espèce ainsi accélérer les diagnostics et accroître leur précision grâce à l’intelligence artificielle. Voici l’objectif visé par l’État dès 2018 pour l’année 2022 :
« Obtenir pour les malades un diagnostic dans l’année et au maximum un an après la première consultation médicale spécialisée. Les seuls malades sans diagnostic précis au plus tard un an après la première consultation d’un spécialiste se limitent à ceux pour lesquels l’état de l’art scientifique et technique ne permet pas d’aboutir à un diagnostic précis (impasse diagnostique) ».
L’intelligence artificielle répond à plusieurs enjeux, grâce au traitement et au croisement d’une grande quantité de données, elle permet de cibler toutes les typologies de maladies rares, qu’elles soient neuromusculaires comme la maladie de Duchenne, neurodégénératives comme la maladie de Huntington, ou respiratoires comme la fibrose pulmonaire idiopathique.
Favoriser la médecine de précision avec des traitements personnalisés
La médecine de précision (ou médecine personnalisée) a pour objectif de fournir un traitement sur-mesure au patient, qui répondra le plus précisément possible à ses symptômes. En analysant les données de santé du patient, l’intelligence artificielle permet donc de déceler les variations d’une pathologie d’un sujet à un autre. Dans les maladies les plus complexes à traiter, l’analyse de ces variations peut s’avérer décisive pour prescrire le meilleur traitement. Que ce soit en microbiologie clinique ou en oncologie, la médecine de précision, épaulée par l’intelligence artificielle, aide déjà les professionnels de santé à affiner leurs diagnostics. Là encore, le machine learning permet d’étudier toutes les données du patient et des maladies elles-mêmes (l’état de l’art sur une pathologie), pour renforcer la pertinence du diagnostic final. Dans ce domaine, les praticiens gagnent ainsi en temps et en précision grâce à l’intelligence artificielle.
Aider les praticiens à prendre les meilleures décisions
Si les algorithmes aident les praticiens à faire les bons choix, ils ne se substituent pas à l’humain. L’IA est un outil que l’expert peut décider d’utiliser, dans le cadre prévu par la loi française (Article L4001-3) : “Le professionnel de santé qui décide d’utiliser, pour un acte de prévention, de diagnostic ou de soin, un dispositif médical comportant un traitement de données algorithmique dont l’apprentissage a été réalisé à partir de données massives s’assure que la personne concernée en a été informée et qu’elle est, le cas échéant, avertie de l’interprétation qui en résulte.” La loi prévoit ainsi que le concepteur de l’algorithme est obligé d’expliquer le fonctionnement de ce dernier au professionnel de santé. L’objectif est de garantir une transparence totale de l’outil, autant pour les praticiens que pour les patients qui verront leurs données de santé collectées et étudiées. De cette manière, les acteurs de la santé s’approprient pleinement leurs actes médicaux, sans se reposer exclusivement sur la machine. Ils ne sont plus dépossédés de leur expertise, puisque c’est toujours eux qui rendent le verdict final. L’IA leur permet seulement d’explorer rapidement de nombreuses possibilités pour faciliter leur prise de décision.
Des robots intelligents pour assister les médecins
L’intelligence artificielle peut aussi s’incarner dans un robot et devenir plus qu’un simple algorithme. Si cette technologie semble encore futuriste, elle transforme déjà la médecine. Celle qu’on appelle la “technologie d’automatisation intelligente” revêt de nombreuses formes. Elle permet notamment d’assister les actes chirurgicaux complexes, de rationaliser la livraison de fournitures médicales et de prendre en charge la désinfection du matériel dans un bloc opératoire par exemple. Dans les laboratoires de recherche, les machines peuvent également automatiser des tâches manuelles à faible valeur ajoutée pour les scientifiques, qui peuvent alors se concentrer sur les tâches plus stratégiques. Un bras mécanique intelligent peut, par exemple, déplacer très précisément certains objets, sans l’aide d’un humain. Dans un hôpital, un robot peut aussi nettoyer et préparer la chambre d’un patient en toute autonomie. Il peut aussi identifier et distribuer les médicaments aux patients.
Développer la chirurgie assistée par ordinateur
Les interventions assistées par une machine sont un ensemble d’outils basés sur l’IA qui sont destinés à aider le chirurgien dans la planification, la préparation, la modélisation, la réalisation et le perfectionnement d’une opération. L’IA peut ainsi intervenir à tous les stades d’une opération chirurgicale, si le praticien le souhaite. Le domaine de la chirurgie assistée par une machine est donc vaste, il va du logiciel de simulation et de planification de l’intervention aux systèmes pour localiser la position des instruments dans le corps du malade. Il passe par le traitement numérique d’images, de signaux et de données médicales aux dispositifs de réalité augmentée, ou encore aux robots chirurgicaux… L’objectif est de proposer aux patients une intervention adaptée à ses besoins, qui soit aussi efficace et la moins invasive possible. Ces données doivent permettre d’augmenter la perception opératoire des médecins, de leur fournir une aide à la décision, tout en assistant leurs gestes chirurgicaux pour plus de précision. Depuis 2013, le CHU de Rennes dispose par exemple d’un environnement conçu, développé et mis en place avec le Laboratoire du traitement du signal et de l’image (LTSI). Cette innovation dans laquelle sont opérés de vrais patients est baptisée TherA-image.
Accélérer la prévention des épidémies et effets secondaires des médicaments
Déjà plébiscitée par le Conseil de l’Europe lors de la pandémie de coronavirus, l’intelligence artificielle a notamment été utilisée dans la recherche d’un vaccin. L’IA a ainsi été employée pour accélérer le séquençage du génome, effectuer des diagnostics plus rapides, réaliser des analyses par scanner ou plus ponctuellement recourir à des robots de maintenance et de livraison. Mais c’est aussi sur l’évolution en temps réel de l’épidémie que le système a fait ses preuves. Ainsi, de nombreux logiciels comme Corona Virus Media Watch placé sous l’égide de l’UNESCO et de l’OCDE, ont permis aux décideurs politiques, aux médias et au public d’observer les tendances émergentes liées à la Covid-19 dans leur pays et dans le monde. Mais l’IA joue aussi logiciels un rôle en pharmacovigilance, c’est-à-dire en évaluant les possibles effets secondaires d’un médicament ou d’un traitement sur l’organisme. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a par exemple lancé une application nationale de pharmacovigilance intégrant l’intelligence artificielle pour simplifier le traitement des effets indésirables des médicaments et des vaccins, notamment contre la Covid-19.
Faire de l’intelligence artificielle un outil positif au service de l’humain
Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), l’intelligence artificielle représente autant de défis que d’opportunités pour les gouvernements, les prestataires et les communautés de soin. Elle déclare ainsi : “l’intelligence artificielle (IA) constitue un grand espoir pour améliorer la prestation des soins et la médecine dans le monde entier, mais à condition de placer l’éthique et les droits humains au cœur de sa conception, de son déploiement et de son utilisation.” L’IA doit donc permettre de protéger l’autonomie des êtres humains, en respectant tout particulièrement la confidentialité de leurs données personnelles. Les évolutions actuelles et à venir devraient ainsi permettre d’utiliser des outils clairs et transparents au service des professionnels de santé comme des patients.
À lire aussi : L’intelligence artificielle dans le milieu médical : un atout pour les patients et les praticiens
Références
(1) Ministère de la Santé et de la Prévention. Les maladies rares. Disponible sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/maladies-rares/article/les-maladies-rares. Consulté le 21/12/2022.
(2) Ministère des Solidarités et de la Santé. Plan national maladies rares 2018-2022. Disponible sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/pnmr_3_v25-09pdf.pdf. Consulté le 21/12/2022.
(3) Code de la Santé Publique. Article L4001-3. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043890272/2022-05-02/. Consulté le 21/12/2022.
(4) Université de Rennes. Laboratoire Traitement du Signal et de l’Image. Disponible sur : https://www.ltsi.univ-rennes1.fr/LTSI_home. Consulté le 21/12/2022.
(5) CHU de Rennes. TherA-Image. Disponible sur : https://www.chu-rennes.fr/cardiologie-et-maladies-vasculaires/thera-image-plateforme-de-therapie-assistee-par-les-technologies-de-limage-480.html. Consulté le 21/12/2022.
(6) Conseil de l’Europe. IA et lutte contre le coronavirus Covid-19. Disponible sur : https://www.coe.int/fr/web/artificial-intelligence/ai-and-control-of-covid-19-coronavirus#:~:text=L%27intelligence%20artificielle%20(IA),pour%20affronter%20le%20coronavirus%20. Consulté le 21/12/2022.
(7) UNESCO. Coronavirus Media Watch launched by UNESCO’s International Research Centre on Artificial Intelligence in Slovenia. Disponible sur : https://www.unesco.org/en/articles/corona-virus-media-watch-launched-unescos-international-research-centre-artificial-intelligence. Consulté le 21/12/2022.
(8) ANSM. Lancement de la nouvelle application nationale de pharmacovigilance. Disponible sur : https://ansm.sante.fr/actualites/lancement-de-la-nouvelle-application-nationale-de-pharmacovigilance. Consulté le 21/12/2022.
(9) OMS. Rapport mondial sur l’intelligence artificielle (IA) appliquée à la santé et six principes directeurs relatifs à sa conception et à son utilisation. Disponible sur : https://www.who.int/fr/news/item/28-06-2021-who-issues-first-global-report-on-ai-in-health-and-six-guiding-principles-for-its-design-and-use. Consulté le 21/12/2022.