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La thérapie génique : la génétique au service de la guérison


La compréhension et le développement de la thérapie génique a considérablement augmenté ces dernières années, ce qui en fait aujourd’hui une technique déjà utilisée pour corriger les altérations génétiques dans de nombreuses maladies. Comment fonctionne la thérapie génique ? Quelles sont ses applications actuelles et futures ? À quels défis devra-t-elle faire face ? Nous avons fait le point ! 

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Comment fonctionne la thérapie génique ?

Quel est le principe de la thérapie génique ?

La thérapie génique est définie comme la capacité de corriger les maladies génétiques par l’insertion, l’élimination ou la correction de tout gène muté impliqué dans un mécanisme physiopathologique. 1

Pour ce faire, il existe deux principales approches pour modifier génétiquement les cellules d’un patient afin de soigner ou prévenir une maladie. 2

L’une consiste à modifier les cellules directement dans l’organisme du patient, c’est ce qu’on appelle la thérapie génique in vivo. Dans l’autre cas, des cellules souches sont prélevées chez le patient, modifiées en laboratoire puis réinjectées : c’est la thérapie génique ex vivo. 2

La thérapie génique peut être combinée à la thérapie cellulaire pour traiter certaines pathologies complexes qui nécessitent plus que la modification d’un gène unique. Grâce à la synergie entre la thérapie cellulaire et la thérapie génique, il est possible d’obtenir des cellules aux propriétés uniques, comme les cellules CAR-T dans le cadre de l’immunothérapie cellulaire pour détruire des cellules cancéreuses par exemple. 2

Supprimer, remplacer ou modifier l’expression d’un gène 

Pour induire la suppression de l’expression d’un gène, augmenter artificiellement son expression ou la modifier, plusieurs techniques sont utilisées.

Par exemple, l’interférence ARN qui consiste à utiliser de petits oligonucléotides anti-sens permettent de supprimer l’expression d’un gène via la fixation de l’ARN interférent à l’ARN messager afin d’inhiber la synthèse d’une protéine défectueuse ou en quantité aberrante. 1

Pour modifier, corriger voire éliminer un gène altéré par des mutations, des techniques d’édition génomique ont été développés. Pour ce faire, deux éléments doivent être apportés dans la cellule à modifier : une enzyme appelée « nucléase » qui va couper le génome de façon ciblée et un fragment d’ADN permettant la réparation du gène afin de retrouver une expression normale. Parmi les techniques utilisées, on retrouve les nucléases à doigt de Zinc (ZNF), la technologie TALEN ou encore la technologie CRISPR/Cas9 dites de “ciseaux moléculaires” ayant fait l’objet d’un prix Nobel de chimie en 2020. 2,3

Enfin, pour remplacer l’expression d’un gène, il est possible de transférer directement les gènes fonctionnels dans les cellules grâce à différentes méthodes permettant ainsi la production de la protéine défectueuse ou absente de façon continue ou transitoire. 1

Les différentes méthodes de transfert de gène

Pour transférer un gène in vivo ou ex vivo, il existe plusieurs méthodes dont le choix sera fait en fonction de la pathologie à traiter : 1

La thérapie génique pour le traitement de quelles maladies ? 

Le premier médicament de thérapie génique a été approuvé en 1998 pour le traitement de la rétinite à cytomégalovirus chez les patients immunodéprimés. Depuis, la compréhension et les méthodes de thérapie génique ont continuellement augmenté. De ce fait, la thérapie génique a déjà été utilisée cliniquement pour corriger des altérations génétiques de certaines maladies héréditaires, mais également des maladies dégénératives dans le cadre de la médecine régénérative, des maladies infectieuses et des cancers. 1

Les traitements en cours pour les maladies génétiques héréditaires

Dans le cas de la mucoviscidose, le gène CFTR, codant pour un transporteur transmembranaire impliqué dans l’échange de fluide avec les cellules pulmonaires, peut être défectueux. Cela induit la production d’un mucus pulmonaire épais. Une des approches pour le traitement en essai clinique est l’utilisation d’un vecteur adénoviral contenant une copie normale du gène CFTR délivré par aérosol. Une deuxième approche, bien que compliquée à mettre en place, consisterait à utiliser la technologie CRISPR/Cas9 pour corriger le gène CFTR durablement. 1,4

Concernant l’hémophilie A, maladie hémorragique héréditaire, un traitement utilisant un vecteur AAV ciblant le gène codant pour un facteur de coagulation a déjà été approuvé par les autorités de santé. 1

La thérapie génique a également fait ces preuves dans le traitement de l’immunodéficience sévère SCID-X1 (mutation du chromosome X), plus connu sous le nom de la maladie des bébés bulles. Cette indication fait l’objet d’un traitement de thérapie génique ex vivo par lequel les cellules souches hématopoïétiques sont modifiées à l’aide d’un vecteur lentiviral pour réexprimer un gène SCID-X1 normal puis réinjecter au patient permettant ainsi de restaurer l’immunité. Ce traitement a été approuvé en 2016. 1

D’autres traitements sont également disponibles ou en cours d’étude pour le traitement la drépanocytose, l’hypercholestérolémie ou encore la myopathie de Duchenne. 1,2

La thérapie génique pour le traitement du cancer

La thérapie génique, bien que considérée comme traitement des troubles génétiques, est largement utilisée pour le traitement de différentes formes de cancers. De nombreux essais cliniques ont été menés entre 2010 et 2020. Parmi eux, les traitements des hémopathies malignes sont les plus répandus, notamment grâce au développement de l’immunothérapie par cellules CAR-T qui offrent un formidable outil de cible des tumeurs. De ce fait, des thérapies géniques sont développées et approuvées pour le traitement de leucémies, de lymphomes ou encore du myélome multiple. Des produits de thérapie génique sont aussi beaucoup étudiés pour le traitement des cancers gastriques et du système nerveux central. 5

Concernant le mélanome, il existe un traitement utilisant des virus oncolytiques génétiquement modifiés pour infecter et éliminer sélectivement les cellules cancéreuses. La destruction des cellules cancéreuses permet de stimuler le système immunitaire favorisant ainsi la production de nouveaux lymphocytes T anticancéreux. 2

Parmi les différentes pistes de thérapie génique pour le traitement du cancer, les vaccins de cellules dendritiques modifiées génétiquement pour exprimer des antigènes tumoraux à présenter au système immunitaire présentent des résultats prometteurs dans des essais cliniques de phase 3 pour le traitement du lymphome ou du mélanome. 5

La thérapie génique pour le traitement des maladies neurodégénératives

La thérapie génique est beaucoup étudiée dans le cas des maladies neurodégénératives telles que la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer qui touchent un large nombre de personnes dans le monde. 1

Grâce aux vecteurs viraux, il est possible de délivrer ou d’insérer un gène d’intérêt directement dans le cerveau. L’un des plus employé est le vecteur viral AAV. Notamment dans le cas de la maladie de Parkinson par exemple, ce vecteur a été étudié en essai clinique dans deux approches thérapeutiques très prometteuses : l’une permettant de moduler la formation du transmetteur neuronal GABA grâce au transfert du gène GAD (glutamic acid decarboxylase) et l’autre permettant d’augmenter la production de dopamine en transférant le gène AADC (amine acid decarboxylase). 1

Concernant la maladie d’Alzheimer, des chercheurs étudient la possibilité d’utiliser la technologie CRISPR/Cas9 afin de réaliser de l’édition génomique dans les neurones défectueux pour enrayer l’accumulation aberrante de la béta protéine amyloïde. 1

La thérapie génique pour le traitement des maladies infectieuses

Le traitement des maladies infectieuses comme l’infection par le VIH ou le paludisme reste encore un enjeu médical important. La thérapie génique pourrait devenir à terme une option thérapeutique. Même si le chemin est encore long, des essais de thérapie génique ont été menés pour le traitement de l’infection par la grippe, les papillomavirus humains, les hépatites B et C, le virus de l’herpès, le paludisme ou encore Ebola. 1,5

Par exemple, dans le cas du traitement de l’infection par le VIH, une des approches consisterait à rendre les lymphocytes T CD4 résistants à l’infection en modifiant génétiquement le gène codant le récepteur de surface CCR5 dans les cellules souches hématopoïétiques en ex vivo pour les réinjecter ensuite au patient. 2

Les enjeux de la thérapie génique

La bioproduction des produits de thérapie génique en France

Au même titre que la thérapie cellulaire, les traitements de thérapie génique sont des médicaments de thérapie innovante (MTI). D’après une étude de mai 2019, les acteurs de la thérapie génique uniquement, comme les sociétés de biotechnologie (spécifique et non-spécifique aux cellules CAR-T) représentaient 37 % de la filière de la thérapie génique, auxquels s’ajoute 14 % des acteurs qui ont la double spécificité thérapie génique et cellulaire. 6

Malgré les succès et l’efficacité de la thérapie génique, la bioproduction de ces traitements ou des éléments nécessaires à son emploi clinique (vecteurs, virus, cellules) représente un enjeu majeur à son développement à grande échelle. Le principe des produits de thérapie génique est développé par la recherche académique mais pour l’envisager en clinique, la production des traitements doit répondre aux bonnes pratiques de fabrication appliquées dans les usines, pas toujours prises en compte lors de l’étape de recherche. (inserm TG) Compte tenu de ces éléments et au regard du service médical rendu, les produits de thérapie génique ont un prix très élevé dont l’enjeu sera de réduire les coûts pour donner l’accès à ces traitements à des populations défavorisées. 2

Pour répondre à ces enjeux, la France a mis en place des plateformes industrielles de production de médicament de thérapie génique, comme Yposkesis (crée en 2016). Celles-ci ont pour objectif d’accélérer le bond technologique permettant ainsi de gagner en productivité et de réduire les coûts de production des médicaments. 7

Quels sont les risques et quelles sont les limites de la thérapie génique ?

Bien que présentant de nombreux bénéfices, la thérapie génique n’en reste pas moins exempt de certains effets secondaires et de risques. Notamment liés à l’utilisation de vecteurs viraux comme les rétrovirus ou les adénovirus qui augmentent le risque de mutagenèse s’ils s’intègrent dans des cellules autres que les cellules cibles. 1

D’autre part, les traitements de thérapie génique peuvent provoquer des réponses immunitaires aiguës conduisant à de la fièvre, des frissons et des troubles de la circulation sanguine. (sayed) Plus rarement, de graves effets secondaires sont survenus dans certains essais cliniques comme le développement de leucémies chez des enfants, conduisant à l’arrêt immédiat de l’essai. 1

Les nombreux essais cliniques en cours sur les différentes pathologies devraient permettre d’en apprendre plus sur la gestion de ces risques pour améliorer les procédés.

Rendre accessible la thérapie génique au plus grand nombre sera le défi de ces prochaines années. Cette stratégie thérapeutique est très prometteuse pour le traitement de nombreuses maladies d’origine génétique et bien que nécessitant des progrès sur le plan technique, elle offre un espoir certain à un grand nombre de patients. 

Références

(1) Sayed N, et al. Gene therapy: Comprehensive overview and therapeutic applications. Life sciences. 2022;294:120375.
(2) Inserm, la science pour la santé. Thérapie génique, une recherche de longue haleine qui porte ses fruits. Disponible sur : https://www.inserm.fr/dossier/therapie-genique/
(3) Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le prix Nobel de chimie 2020 décerné à la chercheuse française Emmanuelle Charpentier. Disponible sur : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/le-prix-nobel-de-chimie-2020-decerne-la-chercheuse-francaise-emmanuelle-charpentier-46700
(4) Inserm, la science pour la santé. Mucoviscidose : des pistes thérapeutiques encourageantes. Disponible sur : https://www.inserm.fr/dossier/mucoviscidose/
(5) Arabi, et al. Gene therapy clinical trials, where do we go? An overview. Biomedicine & pharmacotherapy. 2022;153:113324.
(6) Mabdesign. La France et les médicaments de thérapie innovante. Disponible sur : https://www.leem.org/sites/default/files/2020-02/La%20France%20et%20les%20MTI%20-%20Synthese.pdf
(7) AFM-Téléthon. La révolution de la bioproduciton. Disponible sur : https://www.afm-telethon.fr/fr/une-revolution-medicale/nos-victoires-contre-la-maladie/la-revolution-de-la-bioproduction