Lorsque les patients montent au créneau
La fin du XXe siècle et l’épidémie de VIH-Sida a vu l’apparition de mouvements de malades. Ceux-ci avaient différents objectifs : l’accompagnement des malades et la défense de leurs droits.
Leur but était également que les malades puissent contribuer aux connaissances sur leur pathologie, mais aussi qu’ils aient accès aux traitements innovants le plus tôt possible.
Activisme thérapeutique
On se souvient ainsi des actions coups de poing menées par les associations de lutte contre le Sida pour que des molécules encore en phase d’essai thérapeutique soient accessibles aux malades : manifestations et occupations sur la place publique, mais aussi des laboratoires pharmaceutiques et agences gouvernementales ou internationales. En France, Act’Up a ainsi mené du lobbying, tant auprès des fabricants que des autorités pour la mise à disposition et les octrois compassionnels de traitements en cours de développement, notamment les premiers inhibiteurs de protéase.
L’épidémie de VIH a mis en lumière les patients et ouvert la voie à un nouveau rôle des associations, qui s’est accru au fil du temps notamment grâce à l’essor d’internet et des réseaux sociaux. Ils ont constitué, pour elles, un moyen de diffuser l’information, de faire entendre leur voix et de mobiliser l’opinion publique pour faire avancer la recherche et les essais cliniques, pour accélérer l’accès aux innovations thérapeutiques.
Mobilisations pour l’accès aux traitements
En 2018, cinq associations de patients souffrant d’hémopathies malignes, Action Leucémies, Association Française des Malades du Myélome Multiple (AF3M), Association de Soutien et d’Information à la Leucémie Lymphoïde Chronique et la Maladie de Waldenström (SILLC), Connaitre et Combattre les Myélodysplasies (CCM) et France Lymphome Espoir, se sont regroupées pour agir en faveur de l’accès aux innovations thérapeutiques et aux nouveaux traitements. Elles demandaient que soient revus les dispositifs d’accès précoce à l’innovation, afin de les rendre plus effectifs et équitables, mais aussi les mécanismes d’évaluation des nouveaux médicaments et leur impact sur l’accès des patients à ces thérapies.
L’année suivante, Les Zuros Cancer Vessie France rencontrent le ministère de la Santé pour défendre le remboursement des immunothérapies pour les patients atteints de cancers de la vessie métastatiques et obtiennent gain de cause. Ainsi, le Collectif Mobilisation Triplettes, soutenu par Rose Up et Patients en réseau, a obtenu, récemment et en moins d’un an, grâce à la mobilisation de tous les acteurs du parcours en oncologie, l’accès précoce à une immunothérapie et à un anticorps conjugué à la chimiothérapie pour traiter les cancers du sein triple négatifs. Les associations de patients fédèrent leurs membres et leurs pairs, mais aussi les professionnels de santé et les institutions, auprès desquelles leur rôle s’est développé et a été formalisé.
La démocratie sanitaire
La loi sur les droits des malades de 2002, dite “loi Kouchner”, assure une meilleure représentation des usagers au sein des grandes institutions de la Santé et des Hôpitaux. Les associations d’usagers se voient doter d’un statut juridique plus précis et d’un pouvoir plus important au sein du système de santé : agréées, elles ont vocation à représenter les usagers dans les institutions et agences de santé. La loi relative à la modernisation du système de santé promulguée en 2016, a permis la création de France Assos Santé, l’Union nationale des associations agréées du système de santé (UNAASS), notamment représentée aux instances de la Cnam, de la HAS et de l’ANSM. Cette même loi prévoit un droit d’alerte pour les associations de patients et d’usagers du système de santé agréées : elles peuvent saisir la HAS de tout fait ayant des incidences importantes sur la santé et relevant de ses compétences. Récemment, Renaloo a utilisé ce droit pour demander l’accès au traitement par anticorps monoclonaux en prophylaxie préexposition de la Covid 19.
Associations et évaluation du médicament
La HAS n’avait pas attendu la loi pour faire entrer les patients dans son organisation. En 2015, les adhérents d’associations de malades et d’usagers du système de santé ont fait leur entrée au sein de la commission de la transparence (CT) ainsi qu’au sein de la CNEDIMTS, son équivalent pour les dispositifs médicaux. Ils y siègent en tant que membres titulaires ayant voix délibérative concernant le Service médical rendu (SMR) et l’Amélioration du service médical rendu (ASMR).
Depuis 2016, la HAS invite, par ailleurs, ces mêmes associations agréées à contribuer à l’évaluation des médicaments en vue de leur remboursement ou d’une autorisation d’accès précoce. En s’exprimant sur la façon dont les patients vivent leurs maladies et leurs traitements actuels, et sur les attentes suscitées par les traitements à venir, les associations peuvent contribuer à éclairer la CT et, le cas échéant, la Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) si le médicament fait l’objet d’un avis d’efficience. Depuis juillet 2021, elles peuvent également contribuer à l’évaluation des médicaments en vue d’une autorisation d’accès précoce qui permet à des patients d’accéder à des traitements avant leur autorisation de mise sur le marché ou avant leur remboursement pérenne par l’assurance-maladie.