Rôle et responsabilité du pharmacien au cœur des essais cliniques
Le pharmacien est un acteur central de la recherche clinique en tant que garant du circuit du médicament expérimental. Dès la mise en place d’un essai, il est ainsi un interlocuteur régulier de l’attaché de recherche clinique (ARC) du promoteur.
Il existe de nombreux référentiels pour le pharmacien en essais cliniques (EC), rappelle le guide professionnel très complet sur le sujet, publié en 2020 sous l’égide de la Commission des pharmaciens de CHU (CP CHU) en partenariat avec la Société française de pharmacie clinique. Par ailleurs, des procédures générales doivent décrire à la PUI les processus de gestion pharmaceutique des EC. S’y ajoutera la rédaction d’un mode opératoire spécifique à chaque essai.
Visite de sélection, surcoûts et faisabilité
Lors de la visite de sélection, le promoteur expose les modalités de fonctionnement de la PUI et peut demander la visite de ses installations. Il ne faudra pas hésiter à transmettre à l’ARC mandaté par le promoteur les informations listant les activités pharmaceutiques locales liées aux EC. Le pharmacien du centre concerné par la gestion des unités de traitement doit être destinataire de la lettre du promoteur informant du démarrage de l’essai.
C’est au pharmacien de la PUI de valider les surcoûts pharmaceutiques établis par le centre coordonnateur (étude multicentrique) ou de les évaluer (étude monocentrique), avant de les communiquer à sa Direction de la recherche clinique et de l’innovation (DRCI). Et le pharmacien doit s’assurer dans son établissement que les recettes générées par cette activité seront “distinctement ventilées vers la pharmacie (a minima) et, dans l’idéal, vers le secteur EC. [Car] à terme, cela pourrait avoir comme vocation le financement de postes strictement dédiés à ladite activité”, note le guide de la CP CHU. Durant l’EC, le pharmacien transmettra les surcoûts pour facturation au promoteur.
Sur la faisabilité de l’EC, le pharmacien doit s’assurer de l’adéquation avec les exigences requises par le promoteur et fixer avec lui les modalités d’approvisionnement. En cas de risques de toxicité insuffisamment connus pour des préparations, le guide préconise l’utilisation d’un isolateur ou d’une hotte à flux d’air laminaire vertical (cytotoxiques), et un travail par campagne s’ils ne sont pas dédiés à l’EC.
Visites de mise en place, de monitoring et de clôture
Lors de la visite de mise en place est détaillé le circuit des médicaments, la faisabilité de la préparation/reconstitution le cas échéant, les procédures spécifiques du promoteur : mode d’envoi des unités de traitement, stockage, comptabilité, réapprovisionnement, étiquetage, directives de dispensation, destruction… Le pharmacien se voit remettre le dossier pharmaceutique avec le protocole, la brochure investigateur, les autorisations, l’assurance, voire le manuel Pharmacie avec ses documents de travail. A la PUI ensuite de tenir à jour le dossier de l’essai, souvent sous forme d’un classeur Pharmacie.
Rappelons que le pharmacien doit signer les documents requis (protocole, feuille de délégation de tâches, formulaire de formation, de visite sur site…). Il doit fournir le certificat de calibration des sondes de température de stockage (frigos, congélateurs, salle de stockage ambiant), un CV type des équipes concernées, le certificat de bonnes pratiques cliniques, la liste de délégation interne spécifique à la PUI, etc.
Durant l’EC, l’ARC réalisera des visites de contrôle planifiées avec le pharmacien. La visite de monitoring ne se déroule jamais à distance ! D’une façon générale, les ARC du promoteur ou de la CRO (Contract Research Organization) sont des contacts privilégiés du pharmacien.
Quant à la visite de clôture, l’ARC y vérifie le bilan quantitatif des unités de traitement, le classeur pharmacie, l’indisponibilité du traitement après la clôture… La PUI sera destinataire d’un courrier de clôture.
Assurance qualité
Le pharmacien responsable de la gestion de l’EC établit des procédures sur les étapes clés du process qualité au cours de l’essai (avec des indicateurs qualitatifs et quantitatifs). Il peut aussi être sollicité pour appliquer les process demandés par le promoteur. Il forme et informe le personnel concerné. Le pharmacien doit gérer et signaler au promoteur toutes les non-conformités, avec mise en quarantaine des produits concernés. Il assure aussi la traçabilité des étapes de process, la calibration et la maintenance des équipements nécessaires (sondes, climatiseurs…).
A réception des produits expérimentaux, c’est au pharmacien d’en vérifier l’intégrité et la quantité, la date de péremption, l’adéquation des numéros de lot ou de traitement avec le bordereau de livraison/le bon de commande, de même que l’enregistrement des températures durant le transport. Un certificat d’analyse daté doit être disponible pour chaque lot d’unité de traitement livré. Le pharmacien doit évidemment s’assurer que le stockage dans la PUI se situe dans un lieu adapté, sécurisé et à accès limité, avec alarme connectée au poste de sécurité. Il réalise un suivi quotidien des températures de stockage. En cas de préparation, le pharmacien s’assurera que la libération de tout lot respecte les spécifications requises par le promoteur. L’évaluation de la préparation terminée est placée sous l’autorité d’une personne indépendante de la production.
Dispensation et retours
La liste des prescripteurs autorisés est fournie par le promoteur, ainsi que le modèle d’ordonnance spécifique, le cas échéant. Le pharmacien valide la prescription et informe le service clinique/le patient sur le bon usage, les conditions de retour et, bien sûr, les traitements concomitants autorisés ou interdits. La dispensation à délivrance nominative doit être la règle, rappelle le guide de la CP CHU. En cas de dotation globale ou partielle dans un service, il faudra une procédure de renouvellement de la dotation en accord avec le promoteur. Enfin, le pharmacien s’assure de la traçabilité de la dispensation (ordonnancier, dossier patient, fiche de comptabilité des unités de traitement).
Les retours par les patients font l’objet d’une comptabilité par le pharmacien en charge des EC. Ils sont identifiés et stockés dans une zone dédiée. La PUI peut prendre en charge la destruction (à la charge du promoteur) si cela était prévu par courrier écrit. La PUI établira alors un certificat de mise en destruction.
Selon les études, la PUI peut aussi être en charge de procédures de réétiquetage, de la gestion des enveloppes de randomisation ou de procédures d’insu. Elle peut également participer ou collaborer avec d’autres pharmaciens à des actions de pharmacie clinique intégrées au parcours lié au médicament expérimental/au protocole d’EC. Et être co-auteurs d’articles relatifs à l’EC !
François Silvan
Responsabilité d’archivage (sécurisé) de la PUI
• 10 ans pour les recherches concernant les produits cosmétiques.
• 15 ans pour les médicaments, dispositifs médicaux (DM) ou DM de diagnostic in vitro.
• 30 ans pour des produits sanguins labiles, organes, tissus d’origine humaine ou animale, ou préparations de thérapie cellulaire.
• 40 ans suivant la fin de la recherche sur des médicaments dérivés du sang ou DM en incorporant.
Il faudra un accord écrit du promoteur pour les détruire.
Source :
Commission des pharmaciens de CHU, Société française de pharmacie clinique. Activités pharmaceutiques relatives aux essais cliniques de médicaments et de dispositifs médicaux réalisés au sein des établissements de santé. Octobre 2020
https://www.snphpu.org/syndicat-pharmaciens/parution-d39un-guide-qui-precise-le-role-du-pharmacien-dans-les-essais-cliniques~3233.html