maPUI Labs : du cas d’urgence au cas d’école ?
La crise sanitaire a accéléré l’utilisation des nouvelles technologies dans de nombreux cas d’usages. Elles se sont ainsi imposées en matière logistique dans une forme de mutualisation des stocks lors du premier confinement. L’exemple de maPUI Labs vient évidemment à l’esprit, avec des enseignements évidents à en tirer une fois les premiers freins levés.
Fin février 2022, MaPUI Labs a eu les honneurs du “Guardian” en figurant parmi différents exemples censés illustrer l’idée de “start-up nation” portée ces dernières années par le Président de la République. Cette petite start-up rennaise avait été lancée avant la pandémie pour créer des solutions digitales permettant de réallouer entre hôpitaux des médicaments non utilisés. C’est elle qui a été appelée par l’Etat à créer rapidement un système similaire reliant les hôpitaux au début de la pandémie.
“Mutualisation” des stocks d’anesthésiques
Lors du premier confinement apparaissent des tensions d’approvisionnent sur certains anesthésiques. La plateforme maPUI.fr est désignée par la Direction générale de l’offre de soins (ministère) comme la plateforme numérique à utiliser pour suivre les stocks des produits concernés en PUI (deux hypnotiques et trois curares), avec un déploiement effectif entre le 2 et le 8 avril 2020. La plateforme maPUI.fr a été testée en Ile-de-France. “Pendant quelques jours c’est l’hôpital privé d’Antony qui a envoyé son curare au centre hospitalier de Pontoise”, a illustré le directeur de l’ARS Ile-de-France lors d’un retour d’expérience au Sénat.
Au 20 mai 2020, près de 700 PUI d’établissements publics comme privés alimentaient ainsi quotidiennement la plateforme. Bon gré mal gré au départ, puis par conviction. Rappelons-nous : interrogé à la rentrée 2020 dans le cadre de PUI Infos, Olivier Aujoulat, responsable du pôle pharmaceutique du CH de Mulhouse, premier établissement touché de plein fouet par la pandémie, estimait que “l’entraide entre centres hospitaliers pour des dépannages dans le Grand Est avait beaucoup aidé”, avant même la régulation mise en place par l’Etat sur ces cinq produits. Si cette mesure a d’abord fait grincer des dents, “elle a peut-être évité une catastrophe en évitant des ruptures totales”, relevait-il dans nos colonnes.
Fluidifier et tracer les échanges
En pratique, une fois le système de régulation étatique mis en place, des allocations de dotations étaient évaluées au niveau national tandis que chaque ARS redéployait des stocks entre établissements selon les besoins. En cas de perspective de rupture au sein d’un établissement, l’ensemble des ressources disponibles à l’échelle du territoire pouvait être mobilisée, note le ministère des Solidarités et de la Santé dans le cadre d’un dossier consacré aux projets portés par la puissance publique dans le cadre de la crise sanitaire.
Comment un outil comme PUI Labs pouvait-il jouer ce rôle ? Conçue pour “améliorer la coopération entre PUI au sein de régions, groupements hospitaliers de territoire et groupements d’achats”, explique la start-up, la plateforme digitale trace et sécurise les échanges en suivant les stocks des établissements, avec une formalisation des prêts à la clé. Ceci via différents modules : régulation liée au Covid-19, module Echanges, module Préparations (commandes et suivi de l’état d’avancement), et un module intitulé Hospistock destiné à mieux gérer les tensions d’approvisionnement. L’outil propose aussi une cartographie des flux de médicaments sur le territoire et des outils de communication.
Concrètement, “MaPUI.fr permettait aux PUI d’effectuer des exports de leurs données à partir de leurs logiciels”, relève le ministère. Seul obstacle initial : en l’absence de référentiel prêt à l’emploi et de codes d’identification français, le Centre de gestion des terminologies de santé* a dû produire très rapidement un référentiel opérationnel permettant aux établissements de remonter l’état de leur stock de façon homogène. Pour cela, il s’est appuyé sur des opérateurs du circuit du médicament : Club CIP, Association Médicabase, Vidal.
Des stratégies bien parties pour durer
Au-delà de l’urgence épidémique, une logique au long cours d’utilisation de ce type d’outils s’inscrit dans la feuille de route du numérique en santé lancée par le gouvernement pour accompagner les transformations structurelles liées au plan Ma Santé 2022. “Cadre d’interopérabilité, ROR+, MaPUI, SI-DEP, Mes Conseils Covid, Santé.fr, Guichet innovation, G_NIUS, etc. : fidèle à la vision d’État-plateforme, ces acteurs ont enrichi les référentiels socles, construit les grands systèmes d’information indispensables à la gestion de crise en des temps records, développé des services numériques à destination des citoyens et des soignants en permettant à tous de réutiliser les contenus et algorithmes sous-jacents, et animé l’écosystème pour créer les synergies nécessaires et décupler les bénéfices du numérique en santé”, illustre le ministère.
Rappelons par ailleurs que la mutualisation des PUI est, qu’on le veuille ou non, un sujet sous-jacent dans l’évolution des GHT. Comme l’illustrait PUI Infos dès 2018 à travers l’exemple de la PUI mutualisée du Sud Haut-Marnais ou encore à travers la plateforme d’échanges troyenne MyGHT. Comme sur d’autres problématiques où le Covid a rapidement fait bouger les mentalités (à commencer par la télémédecine et le télésoin), cette forme de mutualisation des stocks s’est imposée comme une évidence à la faveur de la crise. Elle est pourrait être appelée à s’inscrire dans la durée.
François Silvan
* L’un des référenciels socles mis en place dans le cadre de la feuille de route du numérique en santé.