Développer les soins pharmaceutiques : les pistes du programme T-REX avant le livre blanc du think tank “Thank pharma”

Les acteurs du projet T-REX organisaient le 18 octobre une conférence-bilan de projets de pharmacies hospitalières nés de la crise sanitaire. Objectif : capitaliser sur ces retours d’expériences, pour formuler un certain nombre de propositions qui feront l’objet d’un livre blanc sous l’égide de la Société française de pharmacie clinique (SFPC). Cet article ne porte que sur celles concernant le développement des soins pharmaceutiques.

Le programme T-REXs’inscrit dans la continuité de recherches-interventions menées depuis plusieurs années sur le pharmacien manager au sein du collectif de pharmaciens Thank Pharma. Ce think tank mise sur l’intelligence collective. T-REX s’est ainsi appuyé en 18 mois sur quelque 400 participants pharmaciens lors de cinq conférences régionales ayant permis de présenter 61 projets d’établissements.

Optimiser les organisations

“Il faut questionner notre exercice pour optimiser les processus et mettre en action les soins pharmaceutiques”, a formulé Anne-Laure Debruyne (Centre Hospitalier Charles Perrens), en présentation de la synthèse T-REX sur ce thème. Ce dans un contexte de manque de temps, de ressources contraintes et d’automatisation souvent insuffisante. C’est pourquoi il est proposé de revoir le circuit des produits de santé, d’intégrer des approches de Lean management dans l’organisation, de mieux y intégrer les préparateurs et de mieux coopérer à l’échelle territoriale. Objectif : optimiser le temps pharmacien et mieux exploiter les données de santé pour permettre au pharmacien d’intervenir sur des situations à haut risque médicamenteux.

Intégrer le numérique

Deuxième axe de propositions : “Intégrer la pharmacie clinique au cœur du système d’information (SI) et de la télémédecine”, a indiqué Bénédicte Gourieux (CHU de Strasbourg). En matière digitale, l’approche proposée s’articule autour de trois grands thèmes : déployer des systèmes d’aide à la décision pharmaceutique au sein des dossiers patients informatisés ; interfacer les logiciels d’aide à la dispensation hospitaliers et officinaux avec l’observatoire des interventions Act-IP, promu par la SFPC, “pour une traçabilité systématique de ces interventions” ; et recourir davantage aux télésoins pour promouvoir le conseil pharmaceutique et l’accompagnement du patient.

Avec un impact fort attendu en matière de sécurité des soins thérapeutiques, de prévention des effets indésirables graves, mais aussi d’efficience, conclut-elle. Et, à la clé, la valorisation espérée des activités de pharmacie clinique tracées dans les SI.

Investir les réseaux pluriprofessionnels

En matière des projets de pharmacie clinique présentés en régions, “on a beaucoup parlé d’exercice coordonné, de relations pluriprofessionnelles autour du patient, aura aussi noté Bénédicte Gourieux. Il faut l’affirmer et l’ancrer définitivement dans nos pratiques. Car la complexité et la fragmentation de certains parcours sont des facteurs pouvant favoriser l’iatrogénie”. Pour développer cette interprofessionnalité, le programme préconise de bien identifier les besoins de chacun et les réseaux développés en ambulatoire “pour s’y intégrer davantage”. Troisième approche : s’appuyer sur les filières de soins territoriales (GHT, parcours gradués entre établissements…). “Il faut partir d’expériences réussies, notamment en entrant par type d’actes, par exemple des consultations pharmaceutiques en hôpital de jour (avec une traçabilité favorisant la valorisation des forfaits HDJ), a relevé Bénédicte Gourieux.

Se former et harmoniser les pratiques

Anne-Laure Debruyne a décrit les éléments constituant le quatrième axe de travail du projet : renforcer la formation à la pharmacie clinique, “le pendant du développement de soins pharmaceutiques avec leur pluralité d’exercices possibles”, a-t-elle pointé, insistant aussi sur une nécessaire réflexion à propos de “l’intégration des préparateurs dans les activités cliniques”. Enfin, un cinquième axe a été identifié sur l’amélioration des pratiques professionnelles tout au long des parcours de soins. Avec comme enjeu l’intégration de l’expertise pharmaceutique dans les équipes médicales, soignantes et sociales, et la proposition de développer “des revues de pratiques professionnelles”.

Invités à donner leur avis par un vote électronique sur l’ensemble des propositions, les pharmaciens participant à cette webcast ont plébiscité la justesse des enjeux relevés et la pertinence des propositions (à plus de 90%), tout en émettant des doutes sur leur faisabilité (à 33%).

Livre blanc et accompagnement de projets de terrain

La discussion aura notamment mis en avant le manque de temps et d’outils (soucis d’interopérabilité avec la ville, notamment). Pour autant, “développer les soins pharmaceutiques, c’est l’avenir de la profession”, a-t-on fait valoir. Et de citer des exemples montrant qu’un recentrage du pharmacien sur des activités à valeur ajoutée est possible, par exemple par transfert de certaines tâches vers des IDEC. Les expérimentations art. 51 sont ici à regarder de très près. “J’y vois comme un véritable levier pour ancrer des activités pharmaceutiques et les valoriser”, estime Bénédicte Gourieux.

“Dans tout ce qui a été proposé localement, certains projets sont très robustes, a conclu Marc Frachette, consultant-chercheur en management sanitaire. Si cela entre dans un dispositif institutionnel, tant mieux, mais ce n’est pas indispensable. La matière est là.” Une matière qui permettra la formalisation de propositions via un livre blanc à paraître en novembre, sous l’égide de la SFPC. Cette dernière accompagnera en 2023 des projets de terrain sélectionné dans T-REX. Un process destiné à se poursuivre jusqu’en 2025 avant de “spiraler” dans l’Hexagone, espère le think tank.