Mise en place d’HDJ multidisciplinaires : Objectifs et méthodes divers, bénéfices communs
Les hôpitaux de jour (HDJ) s’étoffent sous l’influence des politiques publiques, de l’interprofessionnalité et des attentes patients, dans un contexte de disparités d’accès aux soins et d’innovations thérapeutiques générant de nouveaux parcours. D’où des HDJ de plus en plus multidisciplinaires, donc complexes par essence à mettre en place. Retour sur deux exemples et démarches très différents en CHU et en hôpital de proximité.
Le rapport “Développement des prises en charge hospitalières ambulatoires de médecine” publié par l’IGAS en 2015 notait que “les prises en charge en hôpital de jour supposent une organisation ‘millimétrée’ en matière de planification, de programmation et de coordination”. L’optimisation depuis plusieurs années de l’HDJ en onco-hématologie au CHU de Strasbourg, qui a fait l’objet d’une publication dans “Logistique & Management”, en est une bonne illustration, s’appuyant sur tous les leviers : étapes administratives et d’enregistrement patient, consultations médicales, préparation par la PUI, traitement du patient. Ceci en observant un indicateur phare : le temps d’attente patient, considéré particulièrement pertinent par la littérature pour un HDJ multidisciplinaire.
Onco-hématologie : un exemple de projet par simulations et ateliers
Ce projet aura impliqué une équipe pluridisciplinaire du CHU (pharmaciens, oncologues, hématologues et cadres de santé) et une équipe de chercheurs d’HEC Montréal, avec un travail par simulation intégré à une démarche kaizen (améliorations incrémentales par ateliers). “Une méthode qui permet de prendre en compte la difficulté d’implantation dans un milieu complexe” tout en allégeant la charge de travail déjà très importante du personnel, explique-t-on. Les changements de processus dans l’HDJ devaient permettre une réorganisation globale dans le contexte de l’Institut régional du cancer et de développement des chimiothérapies orales, de l’immunothérapie ou encore des anticancéreux administrés par voie sous-cutanée, impactant médecins, comme infirmières et pharmaciens.
S’étant donné des objectifs acceptables selon la littérature scientifique, une simulation par événements a été utilisée sur une période de 100 jours aléatoires (répliqués sur différents scénarios) pour tester les hypothèses d’amélioration retenues dans les ateliers pluridisciplinaires et inspirées des meilleures pratiques issues de la revue de littérature, et ce, sur quatre parcours patients différents. Différentes solutions ont ensuite été testées individuellement et collectivement. Par exemple la préparation en une seule fois du dossier patient au complet dès le début du parcours, l’élimination d’activités en doublon, le traitement des analyses sanguines avant l’arrivée du patient, la validation du traitement en avance par le médecin, la préparation anticipée du traitement par la pharmacie, la variation des RH disponibles, de leurs horaires de travail… En a découlé un scénario d’évolution et la prescription “d’avenues d’amélioration”, plus une série de changements recommandés pour améliorer la circulation des patients et diminuer les interruptions pour le personnel. Avec, côté pharmacie, l’exploration des prescriptions anticipées et des prémédications en per os. A noter que la dimension de coûts n’avait pas été prise en compte dans l’étude, mais que “des retombées économiques favorables” en étaient attendues.
Hôpital de proximité : main dans la main avec les MG
Tournons-nous vers un autre type HDJ multidisciplinaire, cette fois-ci dans un hôpital de proximité, à Neufchâtel-en-Bray (76), dont la mise en place a fait l’objet d’une thèse de. On y rappelle la logique convergente des dernières lois vers une “coordination des parcours de santé complexes en particulier pour la prise en charge des pathologies chroniques”. Objectif : renforcer le lien ville-hôpital afin d’améliorer la continuité des soins. La création d’un HDJ y apportait une réponse dans un contexte de sous-densités médicale et infirmière cantonale, mais de forte présence du premier recours dans la ville, en capitalisant sur les liens avec la maison de santé pluridisciplinaire et le centre de permanence de soins de proximité. Un HDJ qui sera rendu complexe ici par les problématiques de coordination, l’hôpital de proximité devenant “un relais effectif entre les MG et les centres de références favorisant la continuité des soins et l’homogénéité des pratiques”.
Les protocoles sélectionnés dès l’ouverture tenaient compte des priorités locales. Par exemple en MCO, des bilans cognitifs gériatriques ou de fragilité (dénutrition, altération de l’autonomie…), la prise en charge de la douleur, ou encore un programme de réhabilitation respiratoire pour BPCO… Côté SSR, citons la prévention des chutes, la prise en charge de la dépression chronique chez la personne âgée, du post-AVC… Avant de devenir pluridisciplinaire, l’activité de l’HDJ aura été initialement surtout gériatrique avant de s’élargir dans un premier temps via un projet de diabétologie.
Faute de ressources supplémentaires, l’HDJ a démarré par transformation de lits de médecine MCO et de SSR, avec quatre créations de postes à temps partiel (médecin, aide-soignante, psychologue, assistante sociale), les autres étant redéployés dans l’HDJ (secrétaire, diététicienne, kiné, ergothérapeute, infirmière). Le volet pharmacie/logistique/structure représentait 13,5% du budget prévisionnel présenté dans la thèse.
Évolution clé des forfaits d’HDJ
Évidemment, la question économique liée à la facturation est centrale pour mettre en place un HDJ viable. En matière de rémunération, le rapport de l’IGAS avait mis en avant le facteur dissuasif que constituait “la requalification de la prise en charge en actes et consultations externes pour des soins longs, complexes, innovants et/ou coordonnés dont le niveau de tarification est faible au regard des moyens engagés”. Néanmoins, il considérait que les effets de seuils ne devaient pas constituer en eux-mêmes un obstacle, car “le transfert de prises en charge de l’hospitalisation complète vers les hôpitaux de jour se traduit par une diminution du coût de la prise en charge pour l’établissement de santé lorsqu’y sont associées des réorganisations adéquates”.
Depuis, des éléments de solution ont été apportés par l’élargissement des forfaits en HDJ qui permettent de financer du temps professionnel, y compris en pharmacie clinique (voir l’arrêté du 28 février 2020 modifiant l’arrêté du 19 février 2015 relatif aux forfaits alloués aux établissements de santé, et l’instruction n°DGOS/R1/DSS/1A/2020/52 du 10 septembre 2020). Ce nouveau corpus juridique a permis de lever le moratoire sur la facturation des HDJ dits “médicaux” qui était en vigueur depuis 2017 (sauf dans le cas des prises en charge liées à une spécialité hors AMM). Une réflexion qui rejoint l’ensemble des chantiers en cours sur les évolutions de tarifications en cette année 2022 (voir aussi notre masterclass du 28 juin 2022[DAE1] ).
Sources :
- Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Développement des prises en charge hospitalières ambulatoires de médecine. 2015 https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article539
- Laurraine P et al. Logistique & Management. 2017 Jan; 25(1): 34-42 https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/12507970.2017.1316175
- Joannides Marion. Création d’un hôpital de jour pluridisciplinaire à l’hôpital de Neufchâtel en Bray : projet et mise en place. 2016 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01426145/document
- Arrêté du 28 février 2020 fixant pour l’année 2020 les éléments tarifaires mentionnés aux I et IV de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041663256INSTRUCTION N° DGOS/R1/DSS/1A/2020/52 du 10 septembre 2020 https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/bulletins-officiels-et-documents-opposables/article/liste-chronologique-des-bos-2020